Knock at the Cabin : critique du nouveau testament de Shyamalan (2024)

Films

Par Geoffrey Crété

31 janvier 2023

MAJ : 25 mars 2023

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À chaque nouveau film de M. Night Shyamalan, c’est la même petite musique : il est de retour. Et chaque fois, c’est la même question : parle-t-on du réalisateur de Sixième Sens, Incassable, Signes et Le Village, ou de celui de La Jeune fille de l’eau, Phénomènes, et Le Dernier Maître de l’air ? La réponse est rarement claire et nette, mais Knock at the Cabin devrait y remédier. Mené par Dave Bautista, Ben Aldridge et Jonathan Groff, ce thriller est ***roulement de tambours, phrase inédite en approche*** le meilleur film de Shyamalan depuis bien longtemps.

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Knock at the Cabin : critique du nouveau testament de Shyamalan (4)

croire dur comme fier

Le cinéma de Shyamalan raconte presque toujours la même chose : des personnages qui luttent pour ne pas croire, que ce soit en un récit qui les dépasse (une menace, une invasion, une fin du monde) ou un rôle qu’ils refusent d’assumer (être un sauveur, être un leader, être mort). Le réalisateur et scénariste n’a donc qu’un objectif : que le public y croit aussi, et le suive jusqu’au bout du monde et des twists, quitte à user jusqu’à la dernière corde le concept de suspension d’incrédulité. C’est pour ça que Shyamalan a été si vite piégé dans son cinéma : c’est facile d’avoir envie d’y croire, et encore plus d’avoir envie d’en rire.

Toujours debout malgré une carrière qui a connu autant de hauts et de bas que le bon goût sur Ecran Large, Shyamalan revient à la source du mal avec son 15e film. Knock at the Cabin ressemble à un nouveau testament de son cinéma, et une note d’intention ultime. C’est le film qui résume tous ses films, et l’histoire qui raconte toutes les autres.

Le principe est simple : quatre personnes entrent de force dans la maison d’une famille, et les implorent de croire en leur histoire. Pourquoi ? Parce que l’avenir du monde en dépend. Dans le rôle de Shyamalan (avec quelques dizaines de kilos de muscles en plus), Dave Bautista est le maître narrateur, celui qui a eu une vision et veut la partager. Dans le rôle du public, la famille (assise et attachée à des chaises, soit une version un peu brutale du cinéma) est sommée d’ouvrir les yeux et les oreilles, et se laisser embarquer par le récit. Le dispositif est si simple qu’il pourrait être comique, mais Shyamalan y croit tellement que Knock at the Cabin se transforme vite en vertigineux et palpitant thriller.

Tatoo à fait raison de me faire confiance

apocalypse lie

Dans une scène deSignes, le meilleur film de Shyamalan (ndlr : l’équipe souhaite se désolidariser de Geoffrey), Mel Gibson demande à son frère Phoenix : «Tu dois te demander quel genre de personne tu es. Es-tu de ceux qui voient des signes, des miracles ? Ou est-ce que tu penses que les gens ont juste de la chance ? Est-il possible qu’il n’y ait pas de coïncidences ?«. Knock at the Cabin reparle de coïncidence, et ce n’est pas une coïncidence : les deux films se répondent parfaitement, pour créer un passionnant écho Shyamalanesque.

Maison isolée dans la nature, envahisseurs sortis de nulle part, famille qui se resserre pour affronter la menace, télévision comme seule fenêtre vers l’extérieur, flashbacks pour écrire les personnages pendant l’action : c’est une copie presque conforme de Signes. Sauf que dans le film d’aliens, c’était une lutte externe avec des extraterrestres venant attaquer le foyer pour le détruire. Dans Knock at the Cabin, c’est une guerre interne, et c’est pour ça que le home invasion est réglé en quelques scènes. Tout se jouera dans cette cabane transformée en scène de théâtre, où les personnages vont eux-mêmes réduire à néant leur petit monde, avec le «simple» pouvoir d’une histoire.

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Car le vrai envahisseur apparaît au fil des minutes : c’est le récit lui-même qui s’installe peu à peu dans la maison, s’infiltre dans les esprits et menace de tout faire basculer (les convictions, les rapports de force, le film, et donc le monde entier). Tandis que l’un des papas se bat désespérément pour essayer de trouver les failles de l’histoire, et rationaliser la moindre preuve et le moindre signe, l’autre se laisse aller à l’ultime tentation : y croire. Le film sera ainsi une lente glissade vers le cœur du cinéma de Shyamalan – et si c’était vrai ? Et si j’avais envie que ce soit vrai ? Et si c’était vrai justement parce que j’ai envie d’y croire ?

Le jeu de miroir entre les personnages et les spectateurs, tous vissés à leurs fauteuils et prisonniers à leur manière, devient alors délicieusem*nt malin. C’est un kidnapping (consenti, côté public), et tout comme son alter ego visionnaire à l’écran, Shyamalan a 90 minutes pour convaincre.

C’est d’autant plus plaisant et ludique que le réalisateur et scénariste a réfréné quelques pulsions ridicules. Il se donne un rôle, mais tellement dérisoire qu’il semble lui-même ranger son ego au placard (surtout après son rôle grotesque dans Old). Il met en scène cette part du public qui résiste à son cinéma, mais avec un vrai personnage pour l’incarner (et pas un bouffon comme le critique dans La Jeune fille de l’eau). Résultat : c’est diablementsimple, efficace et sans détour. Tiens, comme Signes.

Quadricolor, parce que 4 couleurs primaires

haute TENSION

Mais Knock at the Cabin n’est pas un pensum meta de petit malin. C’est d’abord et surtout un thriller redoutable, emballé avec un savoir-faire qui rappelle les grandes heures du cinéaste. Après les fiascos After Earth et Le Dernier Maître de l’air, qui ont confirmé dans les flammes de l’enfer hollywoodien qu’il ne devait plus toucher aux effets visuels (les créatures de Signes et La Jeune fille de l’eau étaient des avertissem*nts), Shyamalan est revenu à un cinéma à échelle humaine. Et plus encore que les précédents, Knock at the Cabin démontre que c’était une sage décision.

Dès les premières minutes, il s’attache à un simple champ-contrechamp, et se repose sur les plus élémentaires outils du cinéma : les visages, les mots, les sons, le hors-champ, le silence. Il ne réinvente pas la poudre et traîne toujours ses gros sabots (il se passe quelque chose d’étrange, donc : plans débullés), mais c’est un retour aux sources salvateur. En quelques instants, il plante merveilleusem*nt le décor de cette cabane dans les bois, qui pourrait tout aussi bien être sur une autre planète tant elle est étrange.

Cabossée par les carambolages des années 2000-2010, la mise en scène de Shyamalan a certainement perdu de son panache (ce qui coïncide presque avec la fin de sa collaboration avec l’excellent James Newton Howard). L’impeccable précision d’Incassable ou Signes semble appartenir à un autre monde, et Knock at the Cabin n’offre pas de plans ou de mouvements de caméra aussi marquants. Mais le réalisateur retrouve une véritable maîtrise, comme s’il repartait à zéro, et revenait consciemment aux outils premiers de son cinéma.

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Et parmi ces outils, il y a bien évidemment les acteurs. Shyamalan est l’homme qui a magnifiquement dirigé des poids lourds comme Bruce Willis, Samuel L. Jackson ou encore Mel Gibson. Dans Knock at the Cabin, il utilise Dave Bautista d’une manière particulièrement intéressante et étonnante, jouant de son physique de colosse pour créer l’ambiguïté et l’inquiétude dès la première scène. Ce n’est pas la première fois que le catcheur impressionne (sa scène mémorable de Blade Runner 2049, son timing comique dans Les Gardiens de la galaxie, son énergie dans Glass Onion), mais c’est probablement la première fois qu’il a autant d’espace pour exister, et jouer sur autant de nuances.

Face à lui, Nikki Amuka-Bird (déjà dans Old) et surtout Ben Aldridge tirent leur épingle du jeu, avec des pics d’intensité fantastiques. Et c’est là que le cinéma de Shyamalan est finalement bel et bien de retour : dans l’émotion. Ses meilleurs films sont ceux qui ont donné envie de noyer les frissons dans les larmes. Ils gardent toujours quelques longueurs d’avance sur Knock at the Cabin, mais Shyamalan revient dans la course. Et c’est peut-être ça la seule preuve que les miracles existent.

Rédacteurs :

Geoffrey Crété

Résumé

Oui, tout le monde crie au grand retour de Shyamalan depuis des années, mais promis, cette fois c'est différent. Thriller tendu, cauchemar malicieux et réflexion sur son propre cinéma : Knock at the Cabin est son meilleur film depuis bien longtemps, et un passionnant miroir à son chef-d'œuvre Signes.

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  • Thriller

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chritophe

il y a 1 année

super

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Knock at the Cabin : critique du nouveau testament de Shyamalan (24)

Bob

il y a 1 année

Un des problèmes dans ce film, c’est que les explications rationnalisantes avancées par le couple sont moins crédibles que l’explication surnaturelle. Pas tellement à cause du fond, mais bien plus de la forme.
En conséquence, le spectateur n’a absolument aucune difficulté à croire dans l’ hypothèse qui devrait être la moins vraisemblable.
Rapidement donc, on se retrouve effectivement face à la certitude d’une apocalypse imminente.
Et s’évanouit alors toute tension,simplement parce que Shyalaman n’a pas souhaité installer une agonie de l’incertitude.

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Knock at the Cabin : critique du nouveau testament de Shyamalan (25)

Sanchez

il y a 1 année

Un des pire Shyamalan hélas. Un gros sentiment d’arnaque. Où est le twist pour nous expliquer pourquoi cette famille à cet endroit a été choisi ? Question qu’on se pose pendant tout le film sans jamais avoir la réponse. «C’est comme ça» on essaye de nous dire. La fausse piste sur Ron qui a déjà agressé l’un des h**o est complètement gratuite , visiblement un pur hasard. Comme Manoj a pu nous faire ça ? On le savait fana des saintes écritures mais de là à nous servir une bouillabesse catho , c’est ridicule. Moralité, dieu existe et faut satisfaire ses petit* caprices , sous peine d’apocalypse !

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Knock at the Cabin : critique du nouveau testament de Shyamalan (26)

fredisdead

il y a 1 année

«Le dispositif est si simple qu’il pourrait être comique, mais Shyamalan y croit tellement que Knock at the Cabin se transforme vite en vertigineux et palpitant thriller.»

On est d’accord, sauf pour le vertigineux (sauf si les plans retournés vous rendent toute chose) et le palpitant (je viens encore de prendre ma tension qui indique 12/7).

Je ne suis ni fan, ni expert du réal, mais celui ci j’ai accepté de le regarder sans apriori. S’il est parfois agréable pour l’ego de deviner le modus operandi, il est aussi frustrant dans un «thriller» d’avoir si peu à se mettre sous la dent puisqu’on comprend assez vite qu’il n’y a pas de «méchants» et que la seule question est peut être de savoir quel sera le déclic. Mais là aussi dès le 1er tiers du film on peut anticiper la réflexion de la maman….

En terme de jeu, on sent que Bautista nous fait une performance à la Blade Runner, ou il a le loisir d’avoir plus de temps de jeu mais sans pour autant avoir un personne plus complexe.

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Knock at the Cabin : critique du nouveau testament de Shyamalan (27)

Alxs

il y a 1 année

Passez votre chemin, puisque le scénario du film dévie au tiers de ce qui fait tout l’intérêt du bouquin. Merci Shamyamachin et son melon qui nous donne un dernier tiers bien propret et soporifique.

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